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LA PLANÈTE
L'épuisement de la nature menace le progrès
Article paru dans
l'édition du 01.04.05
Pour la première fois, 1 300 cherche
Plus de 1 300 scientifiques originaires de 95 pays ont élaboré à la demande
de l'ONU un rapport sur l'état des ÉCOSYSTÈMES de la planète. Ils tirent la
sonnette d'alarme alors que l'homme puise dans la nature les éléments
nécessaires à son bien-être et à son développement. L'homme parvient à mieux se
NOURRIR grâce à l'agriculture et à la pisciculture, mais il va payer les
conséquences du déclin du nombre des espèces, de la réduction des insectes
pollinisate
olitiques, réveillez-vous ! Tel est, en termes beaucoup plus diplomatiques, le
message délivré par plus de 1 300 scientifiques réunis par l'ONU à propos de
l'état des écosystèmes de la planète. Dans le rapport sur « L'évaluation des
écosystèmes pour le Millénaire », publié mercredi 30 mars à Tokyo, Pékin, New
Delhi, Le Caire, Nairobi, Paris, Washington et Brasilia, ils dressent un bilan
très pessimiste de l'impact des activités humaines sur l'environnement naturel.
Surtout, le groupe de scientifiques, animé par l'université des Nations unies
(basée à Tokyo) et la Banque mondiale, souligne que, si cette dégradation
continue, le bien-être humain ne pourra plus progresser, et que les objectifs
du Millénaire, fixés en 2000 et visant à réduire la faim, la pauvreté, la
maladie d'ici à 2015, ne pourront être tenus. L'événement intervient alors que
Tony Blair a fixé comme priorités du G8 qui aura lieu en juillet en
Grande-Bretagne le changement climatique et le sous-développement de l'Afrique,
et qu'en septembre les Etats de l'ONU ont rendez-vous pour mesurer le degré
d'avancement des objectifs du Millénaire.
Située la plus à l'est, la capitale
japonaise a eu la primeur de cet état de la situation environnementale
planétaire, des scénarios et des réponses à sa dégradation. « C'est l'étude la
plus complète réalisée à ce jour de l'état de notre planète », a déclaré A.H. Zakri, directeur de l'Institute
of Advanced Studies de
l'université de l'ONU et coprésident du comité directeur du projet lancé en juin
2001 par le secrétaire général des Nations unies, Kofi
Annan, et auquel ont collaboré 1 360 spécialistes de
95 pays.
« Au coeur de cette étude, il y a
une mise en garde : l'activité humaine exerce une telle pression sur les
fonctions naturelles de la planète que la capacité des écosystèmes à répondre
aux demandes des générations futures ne peut plus être considérée comme acquise
», souligne le comité directeur. « On s'émeut de l'épuisement des ressources
énergétiques, mais on néglige la destruction des écosystèmes », complète Hans
Van Ginkel, secrétaire général adjoint des Nations
unies.
On appelle « écosystème » un
ensemble d'organismes (plantes, animaux, micro-organismes) agissant en
interaction - les hommes, précise les scientifiques, étant « partie intégrante
des écosystèmes ». La forêt tropicale, les océans, la savane sont des exemples
d'écosystèmes, l'ensemble de ceux-ci composant la biosphère, qui est la partie
vivante de la planète. L'originalité de l'étude est qu'elle ne s'intéresse pas
à l'environnement en tant que tel, mais s'organise autour du concept de «
services rendus par l'écosystème » tels que la nourriture, l'eau, le traitement
des maladies, la régulation du climat. Or, indique le rapport, « environ 60 %
des écosystèmes permettant la vie sur Terre ont été dégradés ». Une dégradation
qui « a été plus accentuée au co
Cela est dû à une transformation
formidable de l'environnement : plus de terres ont, par exemple, été converties
pour l'agriculture depuis 1945 qu'aux XVIIIe et XIXe siècles réunis, tandis que
60 % de l'accroissement de la concentration de gaz carbonique dans l'atmosphère
depuis 1750 s'est produit depuis 1959.
Le bilan n'est certes pas
totalement négatif. Les scientifiques soulignent nettement que ces changements
« ont contribué à des gains nets substantiels sur le niveau du bien-être de
l'homme et le développement économique ». Ils se sont notamment traduits par
une augmentation de la production agricole supérieure à celle de la population
humaine, et par une multiplication de l'économie mondiale par un facteur six.
LES PRIORITÉS ET LES RÉPONSES
De même, la proportion de personnes
souffrant de malnutrition a été réduite et la santé humaine a été améliorée. Le
problème majeur est que, si la dégradation des écosystèmes se po
Un aspect très préoccupant souligné
par les scientifiques est la probabilité accrue de « changements non linéaires
» : ce terme signifie que, à partir d'un certain seuil de dégradation, un
changement brutal se produit dans l'écosystème, qui ne devient plus seulement
affaibli ou appauvri mais incapable de fonctionner. Un bon exemple en est celui
des pêcheries mondiales, dans lesquelles plusie
Cette probabilité est accentuée par
l'impact très fort du réchauffement de la Terre sur l'environnement (il pourrait
ainsi transformer en quelques décennies la région amazonienne en savane), qui
rendra difficile ou impossible le rétablissement des équilibres rompus.
L'étude se veut un instrument pour
identifier les priorités et les réponses à apporter. Elle s'inscrit dans une
démarche comparable à celle du Groupe intergouvernemental d'experts sur le
climat (GIEC), dont le premier rapport en 1990 avait conduit à la Convention
sur le climat et au protocole de Kyoto. « Nous n'avons pas voulu faire de
prescriptions, dit M. Hans Van Ginkel. Il faut une
volonté politique pour répondre à ce défi et chaque gouvernement doit être
conscient de l'urgence mais il n'agira, individuellement ou collectivement, que
sous la pression de l'opinion. » Il reste à convaincre celle-ci que la gravité
de la crise des écosystèmes n'est pas moindre que celle du climat.
Hervé Kempf et Philippe Pons à Tokyo
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